Abeilles sauvages -chronique d’une mort annoncée

Abeilles sauvages -chronique d’une mort annoncée

Abeilles sauvages, chronique d’une mort annoncée

Conférence de l’Antenne interuniversitaire UCL-ULB des Aînés à Nivelles par Michaël TERZO (Maître-assistant à la Haute Ecole de Bruxelles (Institut Defré), collaborateur à l’Université Mons-Hainaut (labo zoologie).
Le 21 mars dernier, monsieur Terzo a présenté à Nivelles une conférence réellement captivante tant sa passion et son expérience du domaine des abeilles sauvages transcendaient sa présentation. Nous allons vous en donner un compte-rendu non exhaustif.
Il y a dans le monde +/- 50.000 espèces d’abeilles sauvages, donc plus à elles seules que tous les vertébrés réunis (29.000 espèces), dont 370 espèces répertoriées en Belgique. Elles offrent des variétés, des couleurs et des modes de vie très différents et parfois extraordinaires. Souvent associées à une seule variété de fleur, ou pondant ses œufs dans des coquilles vides d’escargot… Il s’agit du plus grand groupe d’espèces protégées en Région Wallonne, à savoir 45 abeilles sur les 63 hyménoptères protégés car comme chacun sait, ces derniers sont responsables d’au moins 80% de toute pollinisation.
Or on assiste actuellement au déclin mondial de ces espèces sauvages d’abeilles au même titre que de notre Apis Mellifera. Les scientifiques en ont étudié les causes possibles de ce déclin. Pas d’insectes invasifs, la flore invasive est en général mellifère, pas de problème apparent pour la nidification… Par contre, si on étudie de plus près leur nourriture, on constate de moins en moins de légumineuses dans nos prairies. Or les bourdons de forêts se portent bien, leurs cousins des « steppes » beaucoup moins. La cause principale du déclin des espèces trouverait donc son origine dans la qualité et la variété des fleurs que butinent les insectes, les apiculteurs ne contrediront certes pas ce constat, eux qui sont persuadés du fait depuis longtemps.
Aux USA et en Europe, dans des régions à forte production agricole, on constate principalement la très forte teneur en azote des sols. Par voie naturelle, les légumineuses fixent l’azote atmosphérique, c’était le principe de l’assolement par rotation des cultures entre deux années de céréales (le trèfle par exemple). Mais on lui a préféré des cultures plus « rentables » à l’instar de la betterave sucrière qui pompe l’azote directement dans le sol. Donc, on introduit des quantités énormes d’azote par les intrants agricoles, engrais et lisiers. Les sols se dénitrifient par évaporation et l’azote retombe sous forme de pluie en quantité de 5 à 10 Kg/hectare dans une situation « normale ». Suite à l’agriculture intensive, les quantités sont augmentées exponentiellement, jusqu’à atteindre des taux de 80 KG/ha en Hesbaye, et de l’ordre de 200 Kg/Ha dans les régions d’élevages hors-sol, les porcheries en fait. Les légumineuses perdent alors la compétition avec les plantes qui pompent directement dans le sol, dont les graminées. La boucle est bouclée, car on se dirige alors vers des espaces « sauvages » déterminés eux aussi par des monocultures avec par exemple des rives de rivières couvertes uniquement d’orties.
En conclusion, l’utilisation des engrais chimiques azotés amène la fin de la biodiversité par une saturation en azote des sols défavorisant les légumineuses. Cette diminution de la biodiversité florale induit la diminution du nombre d’insectes qui y sont inféodés et donc la disparition de nombre d’abeilles solitaires et/ou sauvages. Conjugué aux micro-doses de pesticides qui ne tuent pas, mais affaiblissent leur système immunitaire, on ne s’étonnera pas de la mauvaise situation actuelle.

Quelques solutions proposées et pièges à éviter

La Région Wallonne, prolongeant ainsi les décrets européens, a mis en œuvre un plan de méthodes agrigouvernementales qui devraient à terme relancer un peu la biodiversité de nos régions. Nous connaissons tous les fauchages tardifs, mais on propose aussi aux agriculteurs de planter des bordures herbeuses extensives, des bandes fleuries, de conserver ou de rétablir des prairies naturelles ou à haute valeur biologique, tout en prônant la couverture hivernale des sols et une plus faible charge de bétail à l’hectare. Le but étant de créer des liens entre différents biotopes. Il semble que l’opération est un succès et que les agriculteurs commencent eux aussi à réfléchir. Ils ont plus encore que la majorité des citoyens connu leurs grand-pères qui cultivaient beaucoup plus en phase avec la nature. En tout cas, les crédits alloués pour les primes sont d’ores et déjà dépassés et on a dû déterminer un seuil maximal de 9% des superficies consacrées aux mesures agrigouvernementales sur les exploitations. Attention tout de même à être attentifs aux pièges qui ont nécessité des correctifs parmi les mesures mises en œuvre. Il faut à tout prix éviter les plantations monospécifiques. Il y a un temps de floraison, l’abeille s’y installe, mais ensuite, il n’y a plus rien à manger. Et notre abeille est bien incapable de déménager son nid, de plus, elle est amenée à une pollution génétique en mélangeant les espèces avec leurs hybrides produisant peu ou pas de pollen. On déforcerait alors les futures générations.
Chez soi, il est très simple d’améliorer la situation des biotopes. Eviter les plantes exotiques et semer des fleurs autochtones sauvages et/ou mellifères… Planter des haies variées (viornes, bourdaines, etc.) qui fleuriront à plusieurs périodes de l’année… Conserver les arbres morts… Créer des nids à bourdons (pots retournés enterrés dans le sol) et des abris pour les abeilles sauvages (quelques morceaux de bambou, ou laisser proliférer un roncier qui est un biotope à lui seul).
En général, nos amis apiculteurs sont attentifs à la biodiversité et ont intégré depuis longtemps ces pratiques. Continuons à en faire part à nos familles, amis et connaissances.
Ceci serait notre contribution, humble certes, mais ô combien nécessaire pour viser à une amélioration de la situation de la nature autour de nous.

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